Cher Bernard-Henri Lévy,
oui, c’est exactement sur ce « grand tournant » de la culture contemporaine qui nous devons nous interroger, car Heidegger, comme vous l’avez bien montré, a influencé une grande partie de cette culture (et pas seulement française).
Nous devons le faire, parce que nous devons nous interroger sur les raisons profondes pour lesquelles nous n’avons pas été capables, dans les décennies précedentes, de faire obstacle au retour de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme alors qu’il émergeait, et qu’il est devenu une question sociale et politique dramatique aujourd’hui.
L’antisémitisme (désormais manifeste chez Heidegger dans les Cahiers noirs), est indiscutablement une forme de racisme. Donc, il faut comprendre s’il y a aussi du racisme caché (bien entendu, pas seulement biologique) dans la conception anti-humaniste de Heidegger, à partir d’Être et temps.
Et il n’est pas vrai que nous n’aurions pas le choix. Parce que si nous découvrons du racisme caché dans cette conception anti-humaniste (et inhumaine), nous pouvons la refuser et continuer à chercher au-delà de « la “limite” » kantienne, de la “ totalité” hégélienne ou de la reprise “bergsonienne” ». Ou bien, pensez-vous que nous devrions nous résigner à ce racisme en tant que « verité de l’Estre (Seyn) » ? Dans ce cas, il serait vrai que désormais « seul un dieu peut nous sauver »… mais je ne le pense pas du tout.
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Par : Livia Profeti
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